L’évolution des aires de travail : un phénomène de longue date
Il a été discuté dans un article précédent de l’impact de la révolution du travail sur celui des designers d’intérieur et plus précisément sur les réflexions qui découlent de ces changements. Nous assistons à une période de bouleversements qui affecte les grandes tendances d’aménagement des espaces de travail et du bureau.
Des designs qui ont marqué l’histoire
Cette vague de redéfinition du bureau n’est pourtant pas nouvelle. Je trouve particulièrement intéressante la corrélation qui est clairement établie entre les changements sociétaux et leur impact sur le monde du travail et, par conséquent, sur le design. L’histoire et l’organisation du travail ont façonné, et continuent de le faire, notre conception du bureau. Je propose donc dans cet article un survol des tendances qui démontrent bien l’évolution des aires de travail depuis le début des années 1900.
Taylorisme et spatialisation hiérarchique
Au début du siècle dernier, et environ jusqu’à sa moitié, le taylorisme était très influent sur l’organisation du travail qui ne visait qu’une chose: l’efficacité. Rationalité et productivité étaient de mise et les travailleurs occupaient un espace de travail déterminé par leurs fonctions. On assistait alors à une hiérarchisation très rigide du bureau.
Évolution des aires de travail vers un modèle plus social-démocrate
Les changements de mentalité qui ont défini l’après-guerre et la croissance économique liée à la reconstruction ont mené à des modèles organisationnels qui préconisaient une démocratisation du bureau. Naissait alors un modèle anti hiérarchique qui visait à promouvoir une plus grande collaboration et communication entre les travailleurs, tous réunis dans un grand espace à aire ouverte. Tranquillement, ce modèle allait se transformer en un modèle similaire mais qui visait, quant à lui, à augmenter la capacité de personnalisation des espaces de travail et une plus grande intimité des travailleurs.
Les années 70: l’ère des cubicules
Des années 1970 aux années 2000, le bureau à aire ouverte persiste donc, mais s’impose avec une augmentation considérable d’inclusion de mobilier visant à séparer les postes de travail: le cubicule devient alors la norme. Ce concept reposait sur le principe qui voulait que les gens étaient plus productifs au sein d’une enclave territoriale personnalisable, mais qui leur permettait également de prendre part aux activités environnantes.
Le design au 21e siècle
Le début des années 2000 est marqué par une certaine “relaxation” du bureau. La technologie faisant des progrès considérables, le bureau devient moins encombré. Une plus grande attention est portée à la santé des travailleurs et le lieu de travail prend des airs de lieu de vie.
Depuis 2010, beaucoup de changements ont eu lieu et on constate que les tendances en aménagement de bureaux sont axées sur la flexibilité et la valorisation du bien-être (wellness) qui prend de plus en plus d’importance dans la société et les habitudes de vie. Favorisés par la digitalisation et la révolution qu’a entraîné internet, les travailleurs peuvent désormais travailler d’où ils le souhaitent. Les bureaux adoptent alors une esthétique plus confortable. L’ergonomie du mobilier, l’éclairage adéquat, l’inclusion de matières naturelles sont tous optimisés. Les zones collaboratives et “récréatives” deviennent monnaie courante. Puis apparaissent les bureaux non territoriaux, c’est-à-dire des espaces avec des postes de travail non assignés qui permettent une plus grande rentabilité des pieds carrés. Et finalement, on voit naître de plus en plus d’espaces de co-working…
Aménagement des espaces de travail et de bureau : le reflet de la société
Il est évident que les espaces de travail sont un excellent indicateur des tendances sociétales et que leur évolution reflète les améliorations continues apportées à l’efficacité et au bien-être des employés. Pour ce qui est de l’avenir des espaces de bureaux, il est clair qu’à lui-seul l’engouement pour le télétravail découlant de la pandémie force une remise en question de leur rôle fondamental. Les employeurs se doivent aujourd’hui d’être à l’écoute de leurs employés pour bien comprendre leurs besoins et attentes. Et s’il y a une leçon à tirer de l’histoire, c’est bien que les aménagements idéaux sont ceux qui savent satisfaire les attentes et les besoins des employés et non ceux du patronat.